Construire ton roman pas à pas : la méthode des écrivains architectes

Mai 14, 2025 | 0 commentaires

Un guide pratique pour structurer ton récit en profondeur, sans brider ta créativité.

 

Tu as peut-être déjà vécu cette situation : tu ouvres ton traitement de texte, l’écran t’éblouit, le curseur clignote… et là, c’est le vide… Ou variante, tu commences plein d’enthousiasme, puis tu te perds en route et ton chapitre part dans tous les sens. 

C’est la panique. 

Je connais.

Voici mes techniques préférées pour résoudre ce genre de crise et remettre de l’ordre dans tout ça — testées, approuvées et inspirées par des pros comme Elizabeth George.

Pourquoi structurer son roman ?

Avant de plonger dans les techniques concrètes, rappelons l’intérêt de la structure. De nombreux écrivains en devenir (ça a été mon cas pendant longtemps) confondent l’inspiration avec l’absence de planification, croyant que la spontanéité totale est la clé de l’authenticité.

La réalité est tout autre : structurer ton roman, ce n’est pas l’enfermer dans une cage rigide, mais lui offrir une colonne vertébrale qui lui permettra de se tenir debout tout en conservant sa souplesse.

Tous les écrivains ne fonctionnent pas de la même manière, et c’est très bien comme ça.


Certains aiment tracer un plan détaillé avant même d’écrire la première ligne — ce sont les « architectes ». D’autres préfèrent se laisser porter par l’inspiration, découvrir leur histoire au fil de l’écriture — ce sont les fameux « jardiniers » , selon la métaphore de George R.R. Martin. Et puis il y a les mixtes (comme moi), qui oscillent entre structure et instinct, selon le moment, l’histoire ou leur humeur du jour.

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière d’écrire un roman.
Ce qui compte, c’est de trouver la méthode qui te convient à toi, à ce moment de ton parcours. D’ailleurs, on évolue souvent avec le temps. Ce que tu rejetais au début peut devenir un outil précieux plus tard. Moi, par exemple, je n’aurais jamais cru dire ça… mais aujourd’hui, j’adore structurer mes romans.

Les techniques que je vais te partager ne sont pas une recette miracle. Ce sont juste des outils que tu peux essayer, adapter ou laisser de côté. 

À toi de piocher ce qui résonne avec ta façon de créer.

 

Une structure solide te permet de :

  • Combattre efficacement le syndrome de la page blanche en sachant toujours où tu vas
  • Maintenir la cohérence de ton intrigue, même dans les récits complexes
  • Équilibrer le développement de tes personnages et la progression de l’action
  • Identifier à l’avance les faiblesses potentielles de ton histoire
  • Garder le cap lors des inévitables moments de doute créatif
  • Te consacrer entièrement à l’écriture du premier jet, sans te soucier de l’architecture déjà établie

Nous allons voir comment bien démarrer une séance d’écriture, définir les objectifs de ton chapitre, la méthode du canevas et du séquencier, puis la méthode de planification en profondeur d’Elizabeth George. 

 

Prépare ton terrain de jeu : visualise avant d’écrire

Avant même de taper la première phrase de ton chapitre, prends quelques minutes pour créer une carte mentale du chapitre. Tu peux la dessiner à la main, l’écrire sous forme de liste, ou utiliser un outil numérique. Peu importe le support, du moment que ça t’aide à clarifier ta direction. C’est une mise en bouche idéale qui te servira de cap à suivre pendant l’écriture.

Elle te permet notamment de : 

  • Ne pas te perdre en chemin
  • Te mettre rapidement dans le bain de l’écriture
  • Garder une vision claire de ton objectif

Une carte mentale efficace de chapitre contient généralement ces éléments clés :

  • Au centre : l’objectif principal du chapitre en une phrase
  • En branches principales :
    • Les personnages présents et leur état émotionnel
    • Les informations/révélations à dévoiler
    • Les lieux où se déroule l’action
    • Les conflits ou obstacles à surmonter
    • Les liens avec les chapitres précédents et suivants

Par exemple, pour un chapitre pivot d’un thriller : 

Découverte du second corps au centre, puis en branches : Enquêteur (frustré), Témoin clé (nerveux), Indice caché (montre cassée), Forêt abandonnée (nuit/pluie), ‘Lien avec premier meurtre’, etc. 

→ Cette visualisation rapide te permet de garder en tête tous les éléments essentiels pendant la rédaction.

 

Structurer un chapitre : commence par définir son objectif

Une fois ta carte mentale en main, il est temps d’aller un cran plus loin : définir précisément ce que ton chapitre doit accomplir.

Pose-toi ces questions essentielles avant de commencer :

  • Que doit accomplir ce chapitre ? Faire avancer l’intrigue principale ?
  • Va-t-il surtout explorer les dynamiques entre tes personnages ?
  • S’agit-il d’un chapitre purement informatif ?
  • De quel point de vue vais-je le raconter ?

Frank Thilliez propose une image simple, mais puissante : celle de la « boîte noire ». Elle aide à comprendre le rôle de chaque chapitre dans le récit global. :

« À chaque fois que tu vas écrire un chapitre, imagine une boîte noire avec une entrée et une sortie. Qui entre dans la boîte ? Qui en ressort ? Dans quel état ? Cette boîte est un objet de transformation, destiné à être branché à une autre boîte noire dont les entrées correspondront aux sorties de la précédente. L’enchaînement des boîtes noires constitue ton histoire. » 

Cette visualisation simple permet de comprendre comment chaque chapitre transforme quelque chose — un personnage, une situation, une information — et comment cette transformation s’intègre dans l’ensemble de ton récit.

Prenons un exemple concret d’application de la « boîte noire » :

Chapitre 7 :

  • Entrée : Emma entre dans la boîte en étant sceptique face aux révélations de Marc, refusant de croire à la culpabilité de son frère. 
  • Transformation : Emma découvre le journal intime de la victime, contenant des preuves irréfutables. 
  • Sortie : Emma ressort bouleversée, forcée d’accepter une vérité qu’elle refusait de voir et décidée à confronter son frère.
  • Ce qui change : sa croyance en l’innocence de son frère, sa relation avec Marc, son objectif immédiat. 
  • Ce qui reste : sa loyauté familiale mise à l’épreuve, sa détermination à découvrir toute la vérité.

→ Cette transformation s’enchaîne parfaitement avec le chapitre 8, où Emma entre dans une nouvelle « boîte »  avec cette nouvelle détermination, prête pour la confrontation qui transformera à nouveau sa perception des événements.

 

Maintenant que tu sais où tu vas et pourquoi, voyons comment organiser concrètement ce que tu veux raconter — scène par scène.

Construis l’ossature de ton roman avec le canevas et le séquencier

Tu as défini le but de ton chapitre ? Parfait. Voyons à présent comment organiser ton intrigue dans son ensemble, puis scène par scène, grâce à un duo complémentaire : le canevas et le séquencier.

Le canevas : une vue d’ensemble modulable

Le canevas est un tableau visuel de ton histoire. Il te permet d’avoir une vue globale de la structure narrative et de jouer facilement avec l’ordre des séquences. Voici comment t’y prendre :

  • Crée un tableau visuel : Utilise un tableau blanc, des Post-it, des fiches cartonnées ou une appli numérique pour représenter chaque séquence.

     

  • Organise les séquences : Chaque séquence regroupe plusieurs scènes autour d’un événement ou d’un enjeu narratif. 

Exemple : « Découverte d’un indice » , « Confrontation entre les alliés », « Rebondissement final de l’acte ».

 

  • Réorganise librement : l’atout majeur du canevas ? Sa flexibilité. Tu peux déplacer tes séquences, en ajouter, en fusionner. Ton intrigue devient un puzzle vivant.

     

Le séquencier : découpe fine, efficacité maximale

Une fois le canevas posé, zoome sur chaque séquence pour détailler les scènes une à une :

  • Décris ce qui s’y passe : Qui fait quoi, où, pourquoi, et surtout : comment cette scène fait avancer l’histoire.

     

  • Soigne les transitions : Pour éviter les coupures nettes, travaille les liens entre les scènes. Tu peux utiliser des motifs récurrents, des répliques miroir ou des cliffhangers.

     

  • Vérifie la cohérence : Chaque scène doit contribuer à l’intrigue ou au développement d’un personnage. Si ce n’est pas le cas… coupe ou retravaille.

     

💡 Petit rappel : ton canevas et ton séquencier ne sont pas des carcans, mais des alliés. Ils t’aident à garder le cap, sans brider ton imagination.

 

Donne du rythme à ton séquencier

Une bonne structure, ce n’est pas seulement un enchaînement logique : c’est aussi une question de musicalité narrative. Trop de scènes intenses à la suite peuvent fatiguer. Trop de scènes calmes peuvent ennuyer. 

Voici comment trouver le bon rythme :

  • Alterne les tempos : Après une scène d’action ou une révélation, glisse une scène plus posée. Le lecteur (et ton personnage) a besoin de respirer.

     

  • Utilise la technique de la vague :

     

    • Montée : la tension s’installe,

       

    • Crête : un événement clé explose (conflit, révélation, danger),

       

    • Reflux : une scène de retombée ou de prise de conscience.

       

Exemple : Une dispute éclate → une trahison est révélée → silence tendu autour d’un repas qui tourne mal.

  • Varie la longueur des scènes :

     

    • Courtes = rythme rapide, urgence.

       

    • Longues = immersion, émotion, complexité.

       

  • Dans ton séquencier, note la durée approximative de chaque scène : tu visualiseras vite les déséquilibres.

     

  • Place stratégiquement tes moments forts : Parfois, un retournement placé au 2/3 d’un chapitre est plus efficace qu’un twist en toute fin. Laisse une mini-scène de réaction après le choc pour mieux relancer.

Organiser ton roman sans stress : les outils pour structurer et ajuster

 

🛠️ Outils numériques

Si tu préfères travailler en numérique, voici quelques outils qui peuvent t’aider à structurer ton récit de manière fluide et visuelle :

Quelques solutions payantes de référence

Scrivener (Windows/Mac, ~50€)

  • Son tableau de liège virtuel permet de créer des fiches pour chaque scène et de les réorganiser par simple glisser-déposer
  • Avantage clé : tu peux voir simultanément tes fiches ET leur contenu développé
  • Utilisation pratique : crée une fiche par scène avec un titre évocateur, des mots-clés et un code couleur selon le personnage ou l’intrigue

Write Control (Windows/Mac/Web, ~11€/mois)

  • Accès à tes écrits depuis n’importe où
  • Le mode tuile  permet de visualiser l’ensemble en un coup d’œil et d’intervertir facilement les parties.
  • Fiches personnages prêtes à remplir
  • Compteur de mots, temps passé à écrire, moyenne de mots écrits par jour…une bonne motivation.

👉 Ce logiciel est top  : pratique et beau. Il n’a qu’un seul défaut : le paiement récurrent (mensuel ou annuel).

Solutions gratuites (mes préférées !)

Google Docs + Google Sheets + Google Drive

Je les utilise personnellement pour tous mes projets d’écriture !

  • Docs : Pour le manuscrit principal, avec la fonction « Plan »  pour naviguer facilement entre chapitres
  • Sheets : Pour créer un séquencier détaillé avec colonnes personnalisables
    • Colonne A : Numéro de chapitre/scène
    • Colonne B : POV ou personnage principal
    • Colonne C : Résumé court (1-2 phrases)
    • Colonnes suivantes : Lieu, temporalité, émotions clés, éléments à introduire…
  • Drive : pour organiser l’espace de travail à mon gout et l’avoir sous la main à tout moment.

💡Astuce : Utilise les filtres pour voir uniquement les scènes d’un personnage ou d’une intrigue spécifique
Avantage majeur : accessible partout, synchronisation automatique, et collaboration possible.

👉 J’ai créé un guide vidéo gratuit sur comment utiliser Google Docs pour écrire ton roman. Tu peux le consulter sur mon blog [ICI]. J’espère qu’il te sera utile !

Miro (gratuit avec limites)

  • Complément idéal à Docs/Sheets pour une visualisation plus graphique
  • Utilisation pratique : crée des post-it virtuels pour chaque scène et organise-les visuellement
  • Idéal pour les sessions de brainstorming ou pour réorganiser visuellement ta structure

Notion (Web/Apps, gratuit avec limites)

  • Extrêmement flexible, permet de créer des tableaux type kanban pour répartir tes scènes
  • Utilisation pratique : crée un tableau avec les colonnes « Acte 1 », « Acte 2 », « Acte 3 » et déplace tes blocs de scènes
  • Astuce : utilise les propriétés pour ajouter des informations comme le POV ou l’émotion dominante
  • Fonctionnalité puissante : possibilité de basculer entre vue kanban, calendrier et liste

Trello (Web/Apps, gratuit avec options payantes)

  • Interface très intuitive basée sur des « cartes » à déplacer entre colonnes
  • Utilisation pratique : une carte = une scène, avec étiquettes de couleur pour symboliser personnages/intrigues
  • Points forts : permet d’ajouter facilement des checklists et des commentaires

XMind (Web/Apps, version gratuite disponible)

  • Pour une carte mentale visuelle avec nœuds, sous-nœuds et liens
  • Particulièrement adapté aux histoires non-linéaires ou aux intrigues complexes
  • Utilisation pratique : place ton concept central au milieu, puis déploie tes arcs narratifs comme des branches

👉 L’avantage du numérique ? Tu gagnes en souplesse et en vision d’ensemble, sans avoir à tout réécrire à chaque ajustement. De plus, la plupart de ces outils permettent des sauvegardes automatiques.

 

Méthodes manuscrites (à l’ancienne)

Ne sous-estime pas le pouvoir du papier ! Beaucoup d’auteurs trouvent que le contact physique avec leur histoire stimule la créativité. Il m’arrive souvent d’y revenir quand je bloque.

Système de fiches cartonnées

  • Matériel : fiches bristol (format A5 ou A6), stylos de couleurs, une boîte de rangement
  • Mise en place : une fiche = une scène
    • En haut : numéro de chapitre et personnages présents
    • Au centre : titre et résumé de la scène
    • En bas : éléments importants, notes

💡Astuce : code couleur cohérent (ex: rouge pour l’action, bleu pour l’émotion)

Tableau de liège ou mur dédié (ma méthode favorite)

  • Matériel : tableau de liège, punaises, fiches, post-it, fils de couleur
  • Mise en place : divise ton tableau en sections (actes ou chapitres)
    • Utilise des fils pour relier les scènes d’une même intrigue

👉 Avantage : vue d’ensemble constante de ton histoire

Comment choisir tes outils d’auteur ?

Pour déterminer quel système d’organisation te correspond le mieux :

Visual ou textuel ?

    • Visuel → XMind, tableau de liège ou Miro
    • Textuel → Google Docs/Sheets ou fiches

 Nomade ou sédentaire ?

    • Nomade → Applications cloud (Google, Notion, Trello)
    • Lieu fixe → Tableaux physiques ou logiciels installés

 Histoire linéaire ou intrigues multiples ?

    • Linéaire → Système simple comme Trello ou fiches chronologiques
    • Complexe → Outils permettant les liens (XMind, tableau avec fils)

Petits conseils pratiques

  • Utilise toujours les mêmes codes couleur et symboles
  • Prévois l’évolution : ton système doit pouvoir accueillir de nouvelles idées
  • Fais des sauvegardes : même pour les méthodes manuscrites, prends des photos
  • N’oublie pas que ces outils sont là pour te servir, pas pour te compliquer la vie !

L’outil parfait est celui qui devient invisible dans ton processus créatif — celui qui te permet de te concentrer sur ton histoire plutôt que sur son organisation.

 

La méthode d’Elizabeth George : plan directeur pour romanciers

Si tu aimes planifier en détail, la méthode d’Elizabeth George pourrait bien devenir ta meilleure alliée. Autrice à succès des enquêtes de l’inspecteur Lynley, elle a mis au point un processus ultra structuré pour écrire ses romans policiers. Ce qu’elle gagne en préparation, elle le récupère en clarté narrative, en cohérence psychologique et en richesse émotionnelle.

Plonge dans son “storyboard” narratif

Ici, pas de plan visuel façon cinéma : son storyboard est textuel, précis et pensé pour donner de la densité à chaque scène. Commence par :

  1. Une recherche approfondie


Consacre du temps à documenter ton intrigue : lieux, métiers, objets, atmosphères… Cela t’évitera les incohérences et t’aidera à immerger ton lecteur dans un univers crédible.

  1. Des portraits de personnages ultra détaillés


Rédige un dossier complet pour chaque personnage principal. Inutile de viser 50 pages, mais assure-toi de connaître :

  • Leur apparence

     

  • Leur histoire personnelle

     

  • Leur motivation profonde

     

  • Leurs conflits internes

     

  • Leur lien aux autres personnages

     

  1. Des fiches de scène stratégiques


Pour chaque scène, définis ces éléments :

  • L’objectif narratif

     

  • Le point de vue choisi

     

  • L’impact émotionnel recherché

     

  • Les infos révélées

     

  • Les questions que cette scène soulève

     

« Une scène qui ne fait qu’une seule chose est généralement une scène faible. » – Elizabeth George

Mets en pratique : exemple d’une fiche de scène

Imaginons une scène dans un polar où ton enquêteur découvre un indice clé.

Scène : Bureau abandonné – fin d’après-midi pluvieux

  • Objectifs : Faire progresser l’enquête / Révéler l’intuition du héros / Intensifier un conflit

     

  • Point de vue : Le protagoniste

     

  • Personnages présents : Enquêteur + partenaire sceptique

     

  • Entrée : L’enquêteur est frustré par l’absence de pistes

     

  • Action : Il découvre un document caché, dispute avec son collègue

     

  • Sortie : Nouvelle piste trouvée + tension accrue

     

  • Émotion dominante : Une excitation mêlée de doute

     

Développe ton roman par couches

La dernière étape de sa méthode : travailler ton histoire en strates. Chaque passage de relecture enrichit ton manuscrit d’une nouvelle dimension.

  1. Première couche : L’intrigue principale

     

  2. Deuxième couche : La psychologie des personnages

     

  3. Troisième couche : Les sous-intrigues

     

  4. Quatrième couche : Les détails sensoriels, le symbolisme, les thèmes

     

Cette construction en profondeur t’aide à donner de la richesse à ton roman sans te laisser submerger d’un coup.

 

Planification vs improvisation : quelle méthode d’écriture te correspond ?

Tous les auteurs ne planifient pas leurs romans de la même manière. Certains construisent des architectures précises avant d’écrire la première ligne. D’autres préfèrent se lancer tête baissée, guidés par leur intuition. Il n’y a pas une bonne méthode, mais celle qui te correspond. Une fois le livre achevé, il est impossible de détecter la méthode utilisée !

Voici quelques approches très différentes, toutes utilisées par des écrivains à  succès :

  • Elizabeth George (très structurée) : Chaque scène, chaque personnage, chaque lieu est minutieusement préparé avant l’écriture. Elle passe des mois à documenter son univers, puis construit un storyboard détaillé. Rien n’est laissé au hasard.

     

  • Stephen King (très intuitif) : Il part d’une situation de départ et laisse ses personnages évoluer librement. Pas de plan. Juste une voix intérieure, une idée qui le hante, et une curiosité d’auteur qui veut savoir où ça le mènera. Il aime se surprendre lui-même.

     

  • Frank Thilliez (structuré, mais souple) : Ses intrigues, souvent très scientifiques, reposent sur une solide phase de documentation et une structure globale claire. Mais à l’intérieur de chaque chapitre, il se donne de la liberté pour explorer les réactions de ses personnages.

     

  • Gillian Flynn (exploratrice intuitive) : Elle commence fréquemment sans plan rigide, se laisse guider par la psychologie de ses personnages et n’hésite pas à réécrire profondément une fois qu’elle connaît mieux leur voix. Son écriture repose sur une immersion totale dans les zones d’ombre.

     

Et toi, quelle méthode te convient ?

Tu peux tester ces approches ou en inventer une nouvelle. Voici quelques questions pour t’aider à choisir ton camp (ou ton mélange) :

  • As-tu besoin de tout visualiser avant de te lancer ?

     

  • Préfères-tu te laisser porter par l’écriture et découvrir ton histoire au fil de l’eau ?

     

  • Est-ce que tu paniques si tu ne sais pas ce qui se passe au chapitre suivant ?

     

  • Ou au contraire, est-ce que le plan tue ton envie d’écrire ?

     

Teste, explore, adapte. Peut-être que tu commenceras avec un plan… et que tu t’en écarteras. Ou l’inverse. Ce qui compte, ce n’est pas la méthode parfaite, c’est celle qui te permet d’écrire avec envie et clarté.

 

Exercices pratiques et ressources pour structurer ton récit

🛠️ Exercices pour structurer ton roman comme un pro

🎯 Défi 1 : Tire le portrait à la George

Choisis un de tes personnages principaux et dresse son portrait à la manière d’Elizabeth George. Rentre dans les détails, n’aie pas peur d’aller loin — ce travail nourrit toute ton intrigue.

Questions à explorer :

  • À quoi ressemble-t-il ? (5 traits physiques distinctifs)

     

  • Quels sont les 3 événements marquants de son passé ?

     

  • Quels sont ses désirs conscients… et ses désirs inconscients ?

     

  • Quelles sont ses peurs, ses failles, ses blessures ?

     

  • Comment parle-t-il ? (vocabulaire, expressions, ton)

     

  • Quels sont ses tics, ses gestes, ses habitudes ?

     

👉 Bonus : écris une scène de dialogue en utilisant uniquement ces éléments pour le décrire indirectement.

🎯 Défi 2 : Analyse ta scène comme un chef d’orchestre

Prends une scène que tu as déjà écrite et passe-la au crible avec la méthode des multiples objectifs.

Questions à te poser :

  • Quels objectifs narratifs cette scène accomplit-elle ?

     

  • Peut-elle en accomplir davantage (au moins 3) sans s’alourdir ?

     

  • Que ressentirait un lecteur juste après l’avoir lue ? Suspense ? Émotion ? Clarté ?

     

👉 Astuce : une bonne scène peut faire avancer l’intrigue et dévoiler un personnage et introduire un conflit latent. C’est cette densité qui la rend mémorable.

🎯 Défi 3 : Crée ton propre canevas

Dessine une grille de ton roman (sur papier, tableau blanc ou outil numérique) en listant les chapitres avec, pour chacun :

  • L’objectif principal (ce que le chapitre doit accomplir)

     

  • Les personnages présents

     

  • Les émotions dominantes

     

  • Les questions qui trouvent une réponse… et celles que tu ouvres

     

👉 En un coup d’œil, tu visualises la cohérence, la tension, le rythme et les arcs narratifs.

🧭 Auto-évaluation de ta structure narrative

Avant de te lancer dans l’écriture ou la réécriture, prends une minute pour faire ce petit check-up narratif :

  • Chaque scène fait-elle avancer l’intrigue ou révéler un personnage ?

     

  • Tes personnages agissent-ils en accord avec leurs motivations profondes ?

     

  • Le lecteur traverse-t-il une progression émotionnelle claire ?

     

  • La tension monte-t-elle progressivement ?

     

  • Tes temps morts servent-ils un but ? (respiration, contraste, mise en place…)

     

Ressources recommandées

Pour aller plus loin dans la structuration de ton récit, voici quelques méthodes d’écriture à explorer :

  • Mes secrets d’écrivainElizabeth George : un guide méthodique, dense et passionnant. Pour moi, ça a été un véritable déclic.

     

  • Écriture : mémoire d’un métierStephen King : un mélange d’autobiographie et de conseils d’une efficacité redoutable. Tu en as sûrement déjà entendu parler, c’est un incontournable !

     

  • Le plaisir de la peurFranck Thilliez : immersion dans l’atelier d’un auteur de thrillers.

     

  • L’anatomie du scénarioJohn Truby : excellent pour penser ton histoire en profondeur, au-delà des simples « rebondissements ». Attention, il faut adapter à l’écriture d’un roman car (comme son nom l’indique), c’est conçu pour l’écriture scénaristique.

     

  • Save the Cat! Writes a NovelJessica Brody : une adaptation claire et concrète d’un classique du cinéma pour les romanciers. Même remarque que précedemment.

 

Le mot de la fin

Dans cet article, je t’ai proposé un tour d’horizon des outils de structuration narrative, en particulier ceux plébiscités par les écrivains dits « architectes »  — une approche que j’ai moi-même en grande partie adoptée, et qui s’est révélée précieuse dans mon propre processus d’écriture.

Voici les grandes lignes que nous avons explorées ensemble :

  • Le canevas et le séquencier, pour visualiser et organiser ton intrigue scène par scène

     

  • La méthode d’Elizabeth George, fondée sur une planification rigoureuse et le développement par couches successives

     

  • L’art du rythme narratif, pour doser tension et respiration au fil des séquences

     

  • Des comparaisons d’approches, de la structure minutieuse à l’intuition maîtrisée

     

  • Des exercices pratiques, pour t’approprier concrètement ces outils

     

Bien sûr, il ne s’agit pas de dresser une marche à suivre unique, ni d’imposer une méthode. Au risque de me répéter, l’écriture est un cheminement personnel, et chaque récit appelle sa propre manière d’être pensé, préparé, façonné.

Ces techniques peuvent t’inspirer, t’aider à trouver ton équilibre entre maîtrise et liberté. À toi de les ajuster selon ton style, tes besoins, et le roman que tu veux écrire.

Il n’y a pas de méthode universelle. 

L’essentiel est de trouver celle qui correspond à ta manière de penser, d’écrire, de rêver ton histoire. 

Et d’accepter qu’elle puisse évoluer au fil de ton parcours d’auteur.

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